Zlatan, ou l’artiste de la renaissance à Milan
- LA FINE EQUIPE
- 7 nov. 2020
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Depuis son arrivée à Milan, début janvier, Zlatan Ibrahimovic semble avoir plongé dans la fontaine de jouvence. Au top physiquement à bientôt 40 ans, le Suédois impressionne par sa capacité à performer malgré le poids des années. Menant l’AC Milan à la tête de la Série A et meilleur buteur du championnat, Zlatan offre aux tifosi l’espoir d’un nouveau scudetto. Une renaissance dans laquelle personne ne croyait, sinon lui.
Lorsqu’il quitte le Paris Saint-Germain en 2016, Zlatan a permis au club parisien d’entrer dans une nouvelle dimension. Mais, à presque 35 ans, il semble au crépuscule de son illustre carrière. Pourtant, il n’était pas question pour le Sudéois de renoncer aux grands clubs. José Mourinho, fraîchement arrivé sur le banc de Manchester United, va proposer au natif de Malmö une place dans son équipe. Les Reds lui offrent une saison seulement, et certains en sont persuadés : ce sera la dernière. Mais Zlatan n’a sans doute pas ce plan en tête lorsqu’il débarque à Carrington. Malheureusement, il est trahi par son corps. Son genou droit le lâche, en avril 2017. La blessure est grave, rupture du ligament croisé antérieur. L’opération est nécessaire, la rééducation est longue et la fin semble arrivée pour le Z. Mais ce dernier ne voit pas le film s’arrêter comme cela. Sept mois plus tard, le 18 novembre, il est de retour sur les pelouses de Premier League. Mais la cadence est trop élevée et les pépins physiques ne le lâchent pas. En mars, il résilie son contrat avec Manchester pour traverser l’Atlantique, direction les Los Angeles Galaxy. Cette fois c’est sûr : il est en préretraite et s’en va profiter de la côte Ouest et de la vie américaine, à bientôt 37 ans. La MLS semble trop petite pour lui : il y inscrit 52 buts en deux saisons. Le 31 décembre 2019, son contrat expire.
Ibra a 38 ans mais son téléphone sonne encore et, depuis quelques semaines, Zvonimir Boban se fait de plus en plus insistant. Devenu directeur sportif de l’AC Milan, l’ancien milieu de terrain croate cherche un moyen de relancer une équipe en perte de vitesse. A force de négociations, il parvient à convaincre le Suédois, attaché au club lombard depuis son premier passage, de 2010 à 2012, où il avait rapporté le dernier scudetto du club. Le joueur sait que “ce Milan-là n’est plus son Milan” comme il le regrette à son arrivée, début janvier. Mais lui non plus n’est plus le joueur qu’il était une décennie plus tôt. Stefano Pioli, l’entraîneur, cherche un leader pour encadrer un jeune vestiaire. Zlatan ne pouvait pas mieux tomber. Modèle d’investissement au quotidien, le Scandinave déteint vite sur l’ensemble de l’effectif.
Chef de meute
Morgan Schneiderlin, qui l’a côtoyé l’espace d’une saison à Manchester United, se remémore le monstre de professionnalisme qu’était son ancien coéquipier. “Il est très exigeant envers lui-même mais aussi envers tous ses coéquipiers. Il pousse tous les autres à être meilleurs. Si tu lui fais une passe et qu’il rate son contrôle, il te jette un regard et tu te dis : “Ma passe était pourrie”. Mais il faut le prendre comme il l’est, ne pas être inhibé par lui. Parce que ce n’est pas du premier degré”. Une anecdote lors d’un entraînement a particulièrement frappé le milieu français. “Un jour, on avait fait un concours de coups francs. Zlatan, Memphis et moi en tirions sept chacun. J’en avais mis, deux, Depay trois, et lui un seul. On le chambrait à mort et il nous a calmés direct en nous lançant : “Les gars, j’ai marqué plus de buts que vous n’avez jamais joué de matchs en pro à vous deux”.
Au Milan, Zlatan est le plus expérimenté, le modèle, l’exemple, le conseiller des plus jeunes, le moteur de tout le groupe. Le chef d’une meute de jeunes loups. Engagé pour six mois d’abord, il accepte de prolonger d’un an finalement, moyennant un joli salaire (7M€ par saison) et des responsabilités qu’il adore. Intéressant dès ses premiers matchs, il est phénoménal depuis juillet, date de reprise de la Série A. Et chaque semaine qui passe semble le bonifier, un peu comme un bon vin. Statistiquement, c’est impressionnant : depuis son retour en Italie, il y a un peu moins d’un an, il a été directement impliqué sur 23 buts (17 buts, 6 passes) en 22 matchs.
Retour de l’AC Milan au sommet
Dimanche dernier, contre l’Udinese, il a marqué le but vainqueur (2-1) sur un de ces retournés qui ont fait sa légende. Il a jeté un regard noir à Brahim Diaz qui venait d’entrer en jeu et avait choisi de passer le ballon à Calhanoglu plutôt qu’à lui : “Brahim, le ballon, tu me le donnes à moi” a-t-il grondé. “Mes coéquipiers sont jeunes et me font sentir jeune, souriait-il après la victoire. Il faut qu’ils travaillent, qu’ils y croient, sans ressentir la pression. La pression, c’est moi qui la prends, les responsabilités, c’est moi qui les prends”.
Entraînant toute son équipe dans son sillon, Ibra a remis l’AC Milan sur le devant de la scène. Le club lombard est invaincu depuis 24 matchs, il est leader du Calcio et la Botte l’imagine déjà candidat au titre, porté la figure tutélaire et les buts de son géant suédois de 39 ans, fraîchement élu joueur du mois du championnat. “Pour moi, c’est l’adversaire le plus fort que j’aie jamais rencontré, témoigne Domenico Criscito, défenseur du Genoa. Je ne sais pas si on se rend compte de l’impact qu’il a sur une équipe. Au-delà de sa force physique, il a une technique incroyable. Ce qui m’impressionne le plus, c’est la faim qu’il a encore, la faim de jeu, la faim de buts”.
La Série A lui sied à merveille
Pourtant, Zlatan n’a plus ses jambes de 20 ans. Mais il a fait évoluer son style pour devenir davantage un renard de surface, et son sens du but lui permet de s’épargner les efforts inutiles. “C’est encore l’un des meilleurs, parce qu’il a la technique et l’intelligence d’avoir modifié un peu son jeu, pense Massimiliano Allegri, son ancien coach au Milan. Aujourd’hui, à 39 ans, il est un avant-centre de classe mondiale. Avant, il tournait davantage autour de l’axe”.
S’il brille autant, c’est aussi en parti dû au championnat dans lequel il évolue. L’intensité relative et le rythme peu frénétique de la Série A épargnent le vieux corps de Zlatan. “Nous avons un championnat très tactique, peu intense, avec un rythme peu élevé où les arbitres sifflent tout le temps, analyse Guiseppe Bergomi, l’ancien défenseur de l’Inter, aujourd’hui consultant pour Sky Sport. C’est parfait pour lui : son physique, son intelligence et sa technique le rendent hyper dominant. Franchement, à ce train-là, il peut jouer jusqu’à 45 ans”. En tout cas, on lui souhaite.
Zlatan ne semble pas fatigué et, alors qu’il fêtera ses 40 ans en octobre 2021, il envisage une prolongation. Vu la forme qu’il affiche, il pourrait l’obtenir, et les tifosi l’espèrent. En attendant, et alors qu’il s’est remis du Covid en moins d’une semaine, il tourne des clips pour inviter les gens à la prudence, le regard planté dans la caméra. “Le virus m’a défié, il a perdu. Mais toi, protège-toi. Tu n’es pas Zlatan”. A l’évidence, il n’y a qu’un seul Zlatan. Et on n’a pas fini d’en profiter.
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