Pelé la légende surcotée

Pelé, légende parmi les légendes, un des footballeurs les plus connus et populaires. Véritable héros national du Brésil. Il est la première superstar du ballon rond. Mais que vaut vraiment l’homme aux milles buts ? Souvent pris en compte dans le classement des meilleurs joueurs de l’histoire, le mérite-t-il vraiment ?

Je te vois commencer à t’indigner : « Pelé, c’est top 3 des plus grands joueurs de l’histoire, il a marqué plus de milles buts etc ». Effectivement, mais il ne faut pas oublier qu’il évoluait dans un sport bien différent de celui que nous connaissons. Autrement dit, il était au-dessus du lot à son époque, celle où la norme était de marquer minimum 5 buts par match ; où la tactique était primitive ; le niveau physique et athlétique digne des joueurs de l’équipe de Duran dans le Gers ; et enfin où les défenseurs étaient des plots.

1000 buts vraiment ?

Le roi Pelé (selon sa propre estimation) aurait marqué 1283 buts pendant sa carrière. Impressionnant. A-t'il compté les buts marqués à l’entraînement ? Seule l'histoire connaît la réponse… Plus sérieusement, ce mythe des milles buts est très flou et difficilement vérifiable. Pendant sa carrière longue de 21 ans, de 1956 à 1977, le football en tant que « super divertissement » était encore à ses balbutiements. Toutes les statistiques n’étaient pas compilées comme aujourd’hui.

Si nous relativisons ces 1283 buts, on peut déjà se rendre compte que les formations des années 60 jouaient souvent à 5 attaquants, l’objectif était de marquer un but de plus que son adversaire, de ce fait les défenses étaient extrêmement friables. Les scores à  minimum 3 buts étaient la norme. Le niveau était nettement inférieur à celui que nous connaissons. Ensuite, dans ces milliers de buts, on retrouve ceux marqués en sélection : 77. Et ceux marqués en club avec Santos et le NY Cosmos, et là, c’est une autre paire de manche. Il est très difficile, voire impossible de trouver une source fiable. Si on en croit le sacro-saint Wikipédia, Pelé aurait marqué 1228 buts en 1319 matchs, dont 470 réalisations dans le "prestigieux" Campoenato Paulista qui comportait les meilleures équipes de l’Etat de Sao Paulo. Sans vouloir refaire l’histoire, il me semble que si le Barça jouait dans le championnat de la communauté autonome catalane, Messi serait à 3 000 buts en carrière. Plus sérieusement, les chiffres ne peuvent pas représenter un argument d’autorité pour parler des performances de Pelé. Il a marqué beaucoup de buts et ce n’était pas donné à tout le monde, c’est indéniable, pour autant, la performance est à nuancer au vu du contexte.

Le championnat brésilien, un championnat mineur ?

Pour nuancer la légende qu’est Pelé, il faut rappeler qu’il a joué pendant toute sa carrière à Santos. Son passage aux New York Cosmos ne compte pas, il avait 35 ans, c’était un dernier tour d’honneur aux Etats-Unis comme le font de nombreux joueurs encore de nos jours. Pelé a donc évolué pendant la majeure partie de sa carrière au Santos FC, club emblématique du Brésil (et ceci en partie grâce à l’attaquant brésilien). Comment peut-on prétendre au titre de GOAT (meilleur joueur de l’histoire d’un sport) en ayant joué qu’au Brésil et aux USA ? La question n’est pas si évidente, car dans les années 60, l'arrêt Bosman n’existait pas. Les joueurs ne s'expatriaient pas en masse comme aujourd’hui. Le championnat brésilien était donc bien plus relevé avec des joueurs comme Garrincha évoluant pour Botafogo ou Vavà pour Palmeiras. Toutefois, l’Europe restait plus compétitive, entre les grands championnats rassemblant des joueurs d’exceptions comme Beckenbauer en Allemagne, Kopa en France ou Di Stefano en Espagne, et la prestigieuse Coupe des clubs champions européens  qui permettait aux meilleures équipes de s’illustrer. Le fait que le numéro 10 auriverde n’ait  jamais joué en Europe est problématique dans la course au GOAT, il ne se frottait donc que tous les 4 ans aux autres grands noms contemporains du football.

Mr Coupe du Monde

Là où le roi Pelé met tout le monde d’accord, c’est en Coupe du Monde. Trois titres : 1958 à seulement 17 ans et en étant ultra décisif avec 6 buts. 1962 où Pelé ne joue que le premier match… Objectivement, il s’est donc montré aussi essentiel pour sa sélection que Florian Thauvin en 2018 en Russie. Et enfin 1970, où il inscrit 4 buts et délivre 5 passes décisives, il se montre indispensable dans l’armada brésilienne après l’échec de 1966 où il était la cible de tous les défenseurs adverses. En sélection, le numéro 10 est indiscutable, se mesurant aux plus grands joueurs de son temps. Il se sublime lors des matchs importants en marquant dans chaque finale à laquelle il participe, inscrivant, au passage, des buts d’anthologie. Mr Coupe du Monde. 

Le GOAT ?

Le Roi à la tunique auriverde est sans doute l’un si ce n’est le plus grand joueur de son temps. Mais l’évolution du football est telle qu’il est aujourd'hui dépassé. Visionnez un match de Coupe du Monde des années 60 et vous verrez le nombre de déchets techniques et surtout le manque criant de condition physique. Certes, il a permis de démocratiser le football et fait exploser sa popularité à travers le monde. Il est le visage du football des Sixties et l’un des Brésiliens les plus célèbres. Pour autant, il ne me semble plus assez légitime pour réclamer le titre de meilleur joueur de tous les temps (même si la FIFA l’a désigné comme joueur du XXe siècle). On peut tout de même arrêter avec la mauvaise foi et imaginer qu’avec un potentiel pareil, le suivi et les entraînements dont bénéficient les athlètes d’aujourd’hui, un talent comme celui de Pelé aurait sans doute pu exploser et toujours revendiquer le titre de roi du football.

POUDENSAN Eliot