top of page

Paul Westhead, le “Guru of Go”

Ce nom ne vous évoque sûrement pas grand chose. On ne peut pas vous en vouloir. Et pourtant, il a marqué la NBA comme rarement. En tant que coach, Paul Westhead a transformé son sport. Et comme souvent dans les révolutions, les répercussions tendent à se montrer avec le temps. En effet, presque 40 ans après, la Grande Ligue pratique un jeu qu’il ressemble on ne peut plus à celui appliqué par les équipes de Westhead. Plongée dans la légende de Westhead, le “Guru of Go”. 


“Run and gun”, ou plutôt “Courir et tirer” en VF. Ceci n’est pas le titre d’un western de Clint Eastwood mais bien les préceptes de Paul Westhead.. Simple mais efficace. D’une efficacité telle que ces deux mots ont permis à pratiquement toutes ses équipes d’atteindre le Graal partout où il a mis les pieds. Des Lakers de Los Angeles au tournant des années 80 à l’Université de Loyola Marymount en passant par les Phoenix Mercury en WNBA, Westhead a prêché la foi du run-and-gun


Une philosophie simple d’apparence mais pas si facile à mettre en place dans le basket de l’époque. Un jeu stéréotypé qui repose sur des intérieurs lourds et peu mobiles. Un basket aussi beaucoup plus axé sur le but de ne pas prendre de panier plutôt que d’en inscrire. Un basket devant lequel Paul Westhead s’ennuie quelquefois. A tout ça, il va y remédier. Mieux, il va faire de ce sport un show. Le sport-spectacle est une notion trop récente pour en attribuer le mérite à Westhead. Toujours est-il que ses différentes équipes vont faire lever les foules, parfois même en soulevant les trophées.  


A toute vitesse


Le parcours de Westhead n’est pas des plus communs. Durant sa carrière longue de 37 ans, le coach a côtoyé les sommets autant  qu’il a connu des périodes plus difficiles. Le style de jeu qu’il prône est aux antipodes de celui en place à l’époque. Cela lui a coûté d'être étiqueté d'entraîneur révolutionnaire comme de savant fou. Sans résultat, son run-and-gun est comme un flingue en plastique. Divertissant mais pas utile. 


Le point de départ de sa carrière se situe en Pennsylvanie. Il est le coach des Explorers de l’Université de Lasalle. Petite université pas franchement réputée pour son équipe de basket, Paul Westhead va les placer sur la carte. En neuf ans, l’équipe va être invitée par deux fois à participer au tournoi NCAA, plus haute division du sport universitaire américain. Son parcours à la tête des Explorers va taper dans l’oeil de Jerry Buss, alors propriétaire des Lakers. Westhead débarque donc sur la côte ouest à l’été 1979 avec dans ses bagages sa tactique du run-and-gun qu’il compte bien appliquer au plus haut niveau. La NBA semble être le théâtre parfait  pour y exposer son jeu flamboyant. A Hollywood, Paul Westhead va passer de l’ombre à la lumière. Les 3 coups sont frappés. Ouvrez le rideau et place aux artistes. 


Les montagnes russes 


L’arrivée de Westhead chez les Pourpre et Or est corrélée à l’obtention à la draft la même année d’un jeune prodige de l’Université de Michigan State. Earvin “Magic” Johnson. Un grand meneur de 2m06 capable de dribbler comme un petit. Un génie doté d’une vision de jeu qui fera de lui le meilleur meneur de tous les temps. Westhead et Magic sont faits l’un pour l’autre. C’est le coupe de foudre. Dès sa première saison, Paul Westhead amène les Lakers sur la plus haute marche de la Grande Ligue. La franchise californienne est championne NBA. Magic est MVP des Finals, en partie grâce à son match dans le Game 6. Une rencontre qu'il jouera au poste de pivot. En l'absence de la légende Kareem Abdul-Jabbar blessée, Westhead demande à son meneur d’aller se frotter sous les raquettes. Un coup de génie. Magic réalise un match époustouflant alors même qu’il n’est que rookie. 


Mais pour Westhead, la gloire ne dure qu’un temps. L’année suivante, ses Lakers s’inclinent au premier tour des playoffs face aux Rockets de Houston. Une désillusion pour les champions en titre. L’idylle entre Westhead et Magic laisse place au divorce. En coulisses, Magic Johnson s’active. Il en a marre de Westhead et préférerait que Pat Riley le remplace. Ce dernier est alors assistant de Westhead et ami de Magic. Jerry Buss se plie aux caprices de sa star et remercie Westhead. Riley prendra la tête des Lakers et leur fera gagner 4 titres supplémentaire durant la décennie 80. Une dynastie qui fera de son style de jeu attractif sa renommée. Avec un surnom qui sent bon Hollywood : le “Showtime”. Paul Westhead sent qu’on lui a volé la vedette. 


Le Gourou de Loyola 


Après son éviction des Lakers, il fait une pige en tant que coach des Chicago Bulls. Il y reste seulement un an. La faute à un bilan de 28 victoires pour 54 défaites. 2 ans plus tard, la franchise de l’Illinois choisira à la draft un certain Michael Jordan. Le train est encore passé trop tôt pour Paul Westhead. Renvoyé à ses chères études en NBA, il fait le pari de s’imposer au niveau universitaire. Un pari qui semble à sa portée, lui qui a déjà remporté un titre dans la Grande Ligue. Mais Paul Westhead ne fait pas dans le classicisme. Au lieu de prendre les rênes de prestigieuses universités comme UCLA, il décide de prendre à revers son monde, à nouveau. Contre toute attente, il s’engage auprès de l'Université de Loyola. Une fac à la renommée inexistante sur le plan sportif. Paul Westhead va en faire la plus grande attraction du championnat NCAA. 


Un coup en avant, deux en arrière. C’est comme cela que l’on pourrait résumer la carrière de Westhead avant son arrivée à Loyola. Mais ce qu’il s’apprête à faire au sein de la petite université est un grand bond en avant. En 5 ans, le stratège du jeu rapide va permettre à LMU de s’imposer comme l’une des équipes les plus dominantes du championnat NCAA. Le petit poucet n’atteindra jamais le titre mais l’empreinte qu’il laissera dans l’histoire de la compétition est indélébile. A Los Angeles, on ne parle pas que du Showtime des Lakers. En effet, l’équipe de Loyola suscite la curiosité et son jeu séduisant attire les foules. On en viendrait presque à croire que l’équipe de Westhead fait de l’ombre aux Lakers de Magic. Celui qu’on avait oublié est à nouveau au centre de l’attention. Westhead tient sa revanche. Poussant à son paroxysme son style de jeu fait de courses et de tir en première intention, il y hérite du surnom qui le définira à tout jamais. Le “Guru of Go”.


Le chemin de croix 


Suite au statut quasi divin qu’il acquit lors de son passage à Loyola, Paul Westhead décide de retenter sa chance en NBA. Il sent que son moment est arrivé et que son destin l’attend dans la Grande Ligue. Du côté des Denver Nuggets pour être précis. L’ex-coach des Lakers fait son retour dans l’élite, avec pour ambition de démontrer à tous que son run-and-gun n’est pas que du cirque bon qu’à déchaîner les salles universitaires. Malheureusement, son passage dans le Colorado ne rentrera pas dans les annales. En fait si, une fois. La saison 1990-1991 reflète à merveille le paradoxe Westhead. Le jeu attractif des Nuggets éblouit les plus fervents de l'attaque à tout-va quand leur défense presque inexistante donne à redire aux plus réticents. Le temps d’une saison, Denver est à la fois la meilleure attaque… et la pire défense de la ligue. 119 points inscrits contre 130 encaissés de moyenne. Triste record. Une dichotomie qui atteint son paroxysme un soir de novembre 1990. Au cours du match les opposant aux Suns de Phoenix, les Nuggets de Westhead inscrivent la myriade de 107 points en une mi-temps. Un record jamais égalé jusqu’à aujourd’hui. 


Ce match apparaît comme le chant du cygne pour Paul Westhead dans la Grande Ligue. Il est limogé la saison suivante. Et comme sa carrière est faite ainsi, il tente le challenge avec un retour au niveau universitaire. Il est engagé par l’Université de George Mason. Sans succès cette fois-ci. Son run-and-gun ne prend pas et il quitte le projet après quatres années bien ternes. Mais Westhead ne peut pas partir dans l’ombre et l’oubli. Celui qui a fait en partie du basket une attraction, un spectacle, se doit de quitter la scène dans la lumière et sous les acclamations. C’est ce qu’il fera. Sur une plus petite scène, certes, mais l’histoire veut que ce soit sur celles-ci qu’il s'illustre le mieux. Il va mener les Phoenix Mercury au titre WNBA en 2007. La boucle étant bouclé, il ferme la boutique et se retire. Il reste aujourd’hui le seul entraîneur couronné en NBA et WNBA. 


Croulant sous les diatribes de ses confrères à la vision étriquée, Paul Westhead, ce gourou fantasque et maître dans l’art d’émanciper un basketball trop longtemps bridé par ses conventions archaïques, a réussi à faire fonctionner son système basé sur la vitesse d’exécution et sur l’altruisme de ses joueurs. “Improductif” et “voué à l’échec”, il a révolutionné son sport. Steve Kerr, Mike D’Antoni, Don Nelson, Rick Carlisle, nombreux sont les coachs à s'être inspirés du run-and-gun de Westhead. Avec plus ou moins de réussite mais une certitude, leurs équipes ont fait le show. Mais au fond, pour le “Guru of Go”, cela vaut peut-être plus que la victoire. 


Hugo MARTIN












Comments


bottom of page