Novak Djokovic, lost in revendication
- LA FINE EQUIPE
- 25 nov. 2020
- 3 min de lecture
Très actif sur le front des protestations, moins sur le court, Novak Djokovic court après un leadership à tout prix. Au risque de se disperser.
En conférence de presse après un rapide succès face à Diego Schwartzman, le numéro un mondial a soudainement surpris tout le monde. Selon lui, pour faire face à la perte croissante du nombre de spectateurs, il faudrait d’urgence les capter en étendant “partout” les matchs au meilleur des trois sets.
Soit c’est une bombe, s’il lance avec ses réseaux une campagne pour militer en faveur des matchs en deux sets sets gagnants en Grand Chelem. Soit c’est une énième contribution à l’un des serpents de mer les plus coriaces de la planète tennis, qui oscille entre modernité et tradition.
Mais cet épisode vient flouter (encore) l’image de leader du champion serbe. Quel leader est-il vraiment ? Celui qui croit au pouvoir curatif des pyramides de Bosnie ou celui qui veut entraîner tout le monde derrière lui ? Celui qui défend la plèbe en militant pour des gains supplémentaires pour les moins bien classés ou celui qui veut tout dominer ? Celui qui vient de faire acte de candidature pour siéger à nouveau au conseil des joueurs de l’ATP alors qu’il a démissionné cet été du poste de président de ce même conseil pour fonder la PTPA (Professional Tennis Player Association) ?
Une soif de reconnaissance
Personne n’a semblé comprendre cet étrange revirement, qui peut être interprété comme un aveu d’échec de cette toute nouvelle association. “J’aime l’initiative, mais pour l’instant, c’est rien. C’est vide, il n’y a rien dedans” disait Gilles Simon, il y a quelques jours, dans l’émission Twitch de Gaël Monfils.
Diego Schwartzman, pro PTPA, apportait mercredi un début d’éclaircissement. “On ne veut pas lutter contre l’ATP, mais Novak veut être au conseil pour porter notre voix”. A voir s’il y sera élu en janvier prochain…
Malgré cette drôle de communication, on ne peut pas nier que Novak Djokovic mouille le maillot. Pendant la crise du Covid, il s’est bien plus investi pour essayer de formuler des solutions, en tout cas dans les débats publics, que Roger Federer et Rafael Nadal. Il essaie de bousculer le vieux monde du tennis tandis que les autres chefs se remobilisent en coulisses pour tenter de gérer une transition moins explosive. C’est dans sa nature d’aller au mastic et il n’a pas peur de faire bouger les lignes. Il s’implique beaucoup avec sa fondation pour un grand nombre de jeunes en Serbie, preuve de son engagement social.
“Une volonté d’écrire l’histoire du tennis”
Mais comment ne pas penser que le fil conducteur de son action est à relier avec sa rivalité éternelle avec ce duo mythique Federer-Nadal qu’il a su recomposer en trio ? Le numéro un mondial s’est battu toute sa vie pour partager les honneurs avec ces monstres sacrés qu’il n’a pas encore réussi à déloger du cœur de la majorité des fans.
Sa frustration face à ce déficit de popularité, son ego et sa soif de reconnaissance le mènent à pousser tous les combats pour faire mieux. “Il n’avait pas peur d’affirmer à 19 ans qu’il allait aller chercher les intouchables pour prendre leur place” raconte Patrick Mouratoglou. Et il y est allé au mental. J’ai toujours eu le sentiment que Novak, que j'apprécie, aimait être un leader. Je pense qu’il peut être président de la Serbie !”. “Il essaie de faire beaucoup de choses et ça part d’un bon sentiment, estime Sébastien Grosjean. Il veut marquer son passage son empreinte C’est une volonté de sa part d’écrire l’histoire du tennis”.
De ce fait, on a rarement vu, pour ainsi dire jamais (hormis Mohammed Ali peut-être), un sportif cumuler autant de victoires sur le court et d’activités politiques en dehors. Quitte à se perdre un peu, parfois, face à toutes ces revendications. “C’est trop” pense Sébastien Grosjean. “Ça lui a même coûté un titre du Grand Chelem à l’US Open” juge Fabrice Santoro, faisant référence au surmenage du serbe dû à toutes ses activités de joueur et de syndicaliste en chef, alors qu’il tentait de lancer en août la PTPA.
Novak Djokovic se bat beaucoup, parfois trop même. Quitte à perdre tout seul.
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