Benoît Paire, opportuniste ou profiteur ?
- LA FINE EQUIPE
- 12 mai 2021
- 3 min de lecture
Encore battu hier à Rome, Benoît Paire pointe toujours à la 35ème place mondiale, alors qu’il n’a remporté que deux de ses dix-sept derniers matchs. Une bizarrerie rendue possible par le gel du classement décidé au début de la pandémie qui pose question.
Entre deux punchlines, qui suscitent chaque fois la polémique sur les réseaux sociaux, Benoît Paire a soulevé un point important hier en conférence de presse : le système de classement à l’heure du Covid. Après avoir balancé le dernier jeu de son match contre la wild-card Stefano Travaglia au premier tour du Masters 1000 de Rome et pris en photo la marque de la balle qui l’avait fait dégoupiller plus tôt dans le match, le Français a reconnu “profiter du système” pour continuer à disputer les tournois les plus prestigieux (et donc les plus rémunérateurs) malgré sa pléthore de défaites. “Je suis toujours bien classé alors que j’ai gagné deux matchs en deux ans” résume-t-il cyniquement.
Paire y gagne
L’ATP a depuis décidé de procéder à un dégel progressif jusqu’au 9 août 2021. Il sera appliqué aux tournois annulés en 2020 ou disputés à des dates inhabituelles, comme par exemple Roland-Garros. Les points acquis entre mars et août 2019, qui auraient normalement dû disparaître, seront toujours comptabilisés pour 50% de leur valeur initiale en cas de moins bon résultat en 2021. Tout cela permet donc à Benoît Paire d’être 35ème mondiale alors qu’il ne pointe qu’à la 129ème place à la Race (classement sur l’année civile). “J’avais gagné à Marrakech (en 2019, tournoi annulé en 2020) donc je vais conserver les points de la finale, explique l’Avignonnais, qui a probablement passé plus de temps à faire des stories Instagram et décrypté le système de classement qu’à s’entraîner en 2021. J’avais fait un quatrième tour à Roland, donc je vais garder un troisième tour quoi qu’il arrive. Je vais aussi garder un troisième tour à Wimbledon et je vais garder ma finale à Lyon.”
Pour mieux comprendre, Paire, vainqueur à Lyon en 2019, est certain de conserver 125 de ses 250 points de son titre, soit l’équivalent d’une finale, à l’issue de la semaine prochaine, quel que soit son résultat à Genève (même semaine que Lyon). “Donc que je fasse premier tour ou finale, c’est la même chose, estime le Français qui a déjà anticipé l’évolution de son classement dans les prochains mois. Je ne suis pas inquiet, même si je descends, je serai 50ème. Je serai toujours dans les tableaux. Il faudra juste que je gagne un ou deux matchs pour être dans les Masters 1000 de cet été.”
Où est passée la méritocratie ?
Benoît Paire n’est pas le premier à évoquer l’étrangeté de ce système de classement. En mars dernier, Alexander Zverev parlait de "désastre". “Il n’y a pas plus grand fan de Roger Federer que moi, mais il n’a pas joué pendant une année entière et il est mieux classé que moi” regrettait l’Allemand qui est désormais sixième mondial et passé devant Roger Federer. Le Suisse est malgré tout 8ème sans avoir disputé un seul tournoi depuis l’Open d'Australie 2020.
Favorable à ceux qui jouent peu (voire pas du tout) ou mal, le système actuel ne récompense pas les bons résultats des autres. Les Français Benjamin Bonzi et Arthur Rinderknech (respectivement 44ème et 49ème à la Race) sont toujours bloqués en dehors du top 100, ce qui les empêche d’accéder d’entrer directement dans les tableaux du circuit principal et les pousse à participer aux Challengers ou disputer les qualifications.
Quand on connaît les enjeux financiers que représente une place dans le top 100 et les efforts que cela demande pour y rester en temps normal, il est en droit de se demander où est passée la méritocratie dans ce système de classement sous Covid. Le paradoxe est flagrant quand on voit les gains remportés par Benoît Paire depuis la reprise du circuit en août 2020 (320 159 euros) et son peu d’intérêt pour la compétition pendant que d’autres cravachent pour gagner leur croûte. Ici, l’idée n’est pas de tirer à boulet rouge sur un Benoît Paire qui ne fait que profiter du système, mais plutôt de dénoncer celui-ci et l’immobilisme qu’il a provoqué.
Comments