Maradona l’argentin, Messi le catalan
- LA FINE EQUIPE
- 6 nov. 2020
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Il est établi que Lionel Messi et Diego Maradona sont des noms que l’on entend souvent dans l'éternel débat du GOAT. Tout le monde a son avis sur la question, mais une vérité est immuable : pour les Argentins, le GOAT, est petit, vif, insaisissable, porte le numéro 10… C’est un gamin en or, à qui on pardonne tout, car il est terriblement humain, et pèse une coupe du monde. Cet homme n’est autre que Diego Armando Maradona, el D10S, el Pibe de oro, l’icône.
Alors pourquoi Messi n’est pas considéré comme un héros national alors qu’il est un des meilleurs joueurs de l’histoire ? Pire, il est plus apprécié à l’étranger que dans son propre pays. Zoom sur un désamour qui fait tâche.
Une Coupe du Monde vous manque et tout est dépeuplé
Sportivement, à la fois tout rapproche les deux numéros 10 albiceleste, mais tout les opposent aussi. Maradona et Messi sont deux milieux offensifs hyper techniques, capable de faire la différence à eux seul. Sur le terrain, ce sont deux athlètes au profil strictement similaire. Pour Juan Pablo Sorin, ex-coéquipier de La Pulga en sélection, Messi serait un robot créé en Catalogne pour ressembler à Maradona, “la preuve, seul un androïde pourrait reproduire le but du siècle de Maradona face aux Anglais. Le problème, c’est que Messi l’a fait dans un match qui ne servait à rien”. Voilà le grand acte manqué de Léo Messi, il n’a rien gagné avec l’Argentine. Une ignominie dans ce pays où le football est religion d’Etat. Pire, certains Argentins pensent que Messi ne donne pas le maximum pour sa sélection, lui qui a vécu la majeure partie de sa vie en Catalogne, sa vraie patrie.
Si on regarde de plus près, Messi a très peu à envier à son homologue numéro 10 en sélection. Maradona n’a jamais atteint une finale de Copa America, n’a pas eu la longévité de Léo, et s’est même fait exclure de la sélection en 1994. À côté de ça, Messi c’est une médaille d’or aux JO 2008, une finale de coupe du monde et trois de Copa America, toutes perdues. La grande différence, c’est cette coupe du monde 1986, chef d’œuvre absolu du grand Maradona. Pour les Argentins, tous les trophées glanés en club ne prévaudront jamais sur le Graal que représente une Coupe du Monde. El Pibe de Oro est éternel, Maradona est un vainqueur. La pulga déçoit la patrie, Messi est un looser.
Maradona l’icône, Messi l’incompris
Commençons par le capitaine blaugrana, le grand incompris. S’il n’a jamais su conquérir le cœur de ses compatriotes, ce n’est pas seulement par son incapacité à gagner une coupe du monde, mais avant tout à cause de sa personnalité. C’est un grand timide, antipathique, à la limite de l’autisme. Là où Maradona est un concentré d’émotions ambivalentes. Messi est un être froid, peu souriant, peu bavard. Il aime la routine et reste cloîtré dans sa villa barcelonaise quand il n’est pas sur un terrain. Il y a quelques chose d'extra-terrestre chez Leo, il n’exprime rien en tant qu’humain. De ce fait, d’un point de vue marketing, son image séduit beaucoup moins qu’un Maradona qui enchaînait les frasques et les scandales entre deux masterclass footballistiques. “Diego comporte un tas d’erreurs, mais c’est terriblement épique. Messi est un joueur sans commune mesure, mais n’a pas ce côté épique” explique l’écrivain Fabian Casas. Au-delà de l’histoire du gamin surdoué handicapé par un déficit hormonal qui quitte sa famille pour aller s’imposer dans un des plus grands clubs d’Europe, il n’y a pas grand chose à exploiter dans le storytelling de la vie de Leo Messi.
Maradona, lui, n’est autre que l’homme le plus proche de Dieu en Argentine. Le divin enfant qui a ramené la coupe du monde. Peu importe la fin de carrière gâchée, la drogue, l’alcool, la carrière d'entraîneur ratée. Diego, c’est Diego, et on lui pardonne tout. « En étant témoin de ce que provoque ce totem vivant qu’est Maradona, j’ai compris pourquoi on a tant de fois dit de lui qu’il est le plus terrestre des dieux. L’événement pourrait se résumer à cette anecdote : les joueurs du Gimnasia ont été surpris de voir que plusieurs des centaines de photographes présents ne pouvaient pas faire leur travail parce qu’ils pleuraient à la vue de cette nouvelle résurrection de Maradona », relate l’écrivain Daniel Krupa. Encore récemment, D10S s’est fait opérer le 4 novembre pour retirer un hématome au cerveau. L’opération est une réussite. Devant l'hôpital, une foule s’est amassée pour ovationner les chirurgiens. Maradona déchaîne les passions bien plus loin que les terrains de football. Il a brûlé la vie par les deux bouts, ce qui alimente sa légende. Messi, lui, souffre de la comparaison, lui qui voudrait juste jouer au foot, ce domaine dans lequel il est surdoué. Mais en Argentine, la lumière du grand Diego Armando Maradona, ne fait qu'épaissir l’ombre dans laquelle se trouve Lionel Messi.
Eliot POUDENSAN
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