Mais que se passe-t-il au Werder Brême ?
- LA FINE EQUIPE
- 20 avr. 2020
- 6 min de lecture
17ème, avec seulement 18 points après 24 rencontres, voici le terrible bilan du Werder Brême cette saison en Bundesliga. Pour le club vert et blanc, la meilleure place au classement sur cet exercice 2019/2020 reste une triste 10ème position en septembre. Pourtant, l’effectif n’a pas subi tant de départs que ça. Bien au contraire, il s’est grandement renforcé. Il est temps de faire un bilan de la saison et de l’effectif de l’équipe, pour comprendre d’où vient le souci.

Si l’arrêt des compétitions pendant la crise sanitaire est un fardeau pour tous les amateurs de football, c’est peut-être une aubaine pour le Werder. Die Werderaner réalise sa plus mauvaise performance depuis bien des années. Le club qui tourne depuis 7 ans entre la 8ème et la 14ème place, est maintenant dans la zone de relégation. Les statistiques ne mentent pas, pire défense, pire attaque, et comme si ce n’était pas déjà assez, plus mauvaise équipe à domicile. Elle est loin l’époque de Micoud et Ailton. Une descente en seconde division serait un séisme au même titre que la relégation de Hambourg il y a deux ans, puisque le club vit aujourd’hui sa 39ème saison dans l’élite du football allemand.
L’an dernier, Brême finissait à une belle 8ème place. Le club était monté en puissance tout au long de la saison, avant de mourir à un petit point de l’Europe. Mais malgré la déception, l'avenir semblait flamboyant pour le Werder : une équipe globalement jeune, un jeu rythmé séduisant, un entraîneur installé sur le long terme sur le banc (ce que le club peinait à faire depuis le départ de Thomas Schaaf en 2013), et de jeunes espoirs du championnat bien protégés. Il ne restait plus qu’à faire un mercato d’été décent, permettant les venues de joueurs pouvant lutter avec les meilleures équipes de la Bundesliga, et limitait les départs de joueurs essentiels. Et devinez-quoi ? C’est ce qu’il s’est passé ! Brême avait réellement les armes pour aborder convenablement cette saison. Analysons l’effectif avec lequel le Werder Brême effectue l’exploit de se retrouver au fond du classement.
Une équipe de première partie de tableau
“On veut se qualifier pour l’Europe.” Voilà ce qu’avait déclaré durant l’été 2018, Frank Baumann, le directeur sportif du club. Les ambitions étaient claires, le Werder voulait retrouver sa stature d'antan de grand d’Allemagne. Le mercato d’été voit les arrivées de 5 joueurs notables. Les dirigeants optent pour des prêts, le club ne pouvant pas se séparer de ses éléments clés. Ils n’ont pas un budget nécessaire pour recruter à foison.
D’abord, le jeune défenseur autrichien polyvalent Marco Friedl est lié définitivement au club. Lui, qui était prêté par le Bayern, s’engage pour plusieurs saisons avec Brême, où il pourra être le remplaçant de l’endurant Ludwig Augustinsson, ou bien encore intégré dans la charnière centrale.
Benjamin Goller débarque gratuitement depuis Schalke 04. Puis étonnamment, Michael Lang prend la direction du club du nord. Il est prêté par Monchengladbach qui ne pense pas avoir besoin de lui avec la venue de Stefan Lainer. Le latéral suisse vient épauler Theodor Gebre Selassie qui, malgré ses bonnes performances, ne devrait pas être l’avenir du poste de latéral du haut de ses 33 ans.
Omer Toprak est, lui aussi, envoyé à Brême pour retrouver du temps de jeu, la concurrence à Dortmund ne lui offrant pas la possibilité de retrouver le poste de titulaire. Il peut apporter son expérience à la défense du Werder, Moisander-Veljkovic n’étant pas l’assurance tout risque.
Le “gros” transfert de l’été, pour ce qui est du prix (c’est le seul joueur acheté et non prêté), c’est Niclas Füllkrug. Lui, qui a été formé à Brême, revient à la maison après un passage par Nuremberg, puis Hanovre, où il connaîtra une première saison en fanfare avec 16 buts, puis un exercice 2018/2019 décevant, rempli de blessures, contre-performances et une relégation. L’attaquant de 27 ans arrive pour 6.5 million d’euros à Brême pour retrouver son niveau passé, et pallier le départ de Martin Harnik du côté de Hambourg, le club ennemi du Werder (un sacré culot celui-ci).
La dernière recrue de l’été est Leonardo Bittencourt. Il n’a pas réussi à s’imposer à Hoffenheim l’an dernier. Une bonne opportunité à saisir pour Brême. Le Werder obtient le seul type de joueur qui lui manquait, un numéro 10 de qualité. Le club part bien pour débuter la saison, une équipe complète, les jeunes espoirs comme Eggestein, Rashica et Sargent sont encore là, et le problème de rotation de l’effectif est réglé grâce aux recrues.
Maintenant, faisons un bond de 6 mois. Janvier 2020, le Werder est déjà dans le fond du tableau, l’attaque est silencieuse au possible, tandis que la défense est une vraie passoire. Le coach Florian Kohfeldt est sur la sellette, les dirigeants recrutent à nouveau du monde pour sauver de manière express le projet Werder Brême en Europe.
L’ancien capitaine d'Hoffenheim, Kevin Vogt est prêté jusqu’à la fin de la saison à Brême, un sacré coup pour le club qui s’octroie les droits d’un des meilleurs défenseurs du championnat.
Dernière arrivée, David Selke. Trop concurrencé avec les arrivées de Cunha et Piatek au Hertha Berlin, il vient renforcer l’attaque Brêmoise qui n’a pas l’air de savoir comment on marque un but.
Vous vous dîtes peut-être qu’avec toutes ces arrivées, le club va enfin se reprendre et sortir de la zone rouge, et bien c’est ce que beaucoup d’amateurs du football allemand se disaient, mais force est de constater que la situation a empiré. A ce moment-là, trouver le problème tient du miracle. Pourtant, si l’on cherche bien, quelque chose a changé l’été passé au club, quelqu’un est parti durant le mercato. Et si ce “quelqu’un” était une partie du problème ?
“Un seul être vous manque et tout est dépeuplé”
Cette phrase de Lamartine prend véritablement sens pour résumer l’année que vit le club aux quatre championnats remportés. À la défense de Kohfeldt, il a dû compenser la perte de joueurs clés depuis plusieurs années. Serge Gnabry a fait sa percée en Bundesliga à Brême, et est aujourd'hui au Bayern Munich, l'un des meilleurs jeunes talents offensifs de la planète, tandis que les bonnes performances de Thomas Delaney au milieu de terrain ont tapé dans l’oeil du Borussia Dortmund.

Ishak Belfodil n'a peut-être marqué que six buts au cours de sa carrière à Brême, mais ses 17 pour Hoffenheim ont montré son potentiel. Mais jusque là, le club s’en sortait bien. Sauf que l’été dernier, le capitaine et attaquant Max Kruse, a rejoint Fenerbahçe après la fin de son contrat en Allemagne. Et c’est son absence qui est la plus remarquée. Son leadership, ses 12 buts et 14 passes décisives l’an dernier, apporteraient énormément cette saison au club, avec qui il a débuté chez les professionnels en 2006. L’ancien numéro 10 du Werder était la pièce maîtresse dans la transition du milieu de terrain à l’attaque. Sa vision de jeu et ses qualités de créateur laissent à présent un vide colossal dans un milieu de terrain Klassen-Vogt (remanié en n°6)-Eggestein qui ne performe pas.
Max Kruse sous le maillot du Werder/Flickr
Hormis Rashica, aucun attaquant n’est décisif devant le but cette année, Josh Sargent peine à trouver le chemin des filets, il ne faut pas compter sur Pizarro qui vit sa dernière saison professionnelle, et Füllkrug s’est fait les ligaments croisés en septembre... Si expliquer pourquoi Brême est la plus mauvaise défense de Bundesliga est très difficile, éclaircir le problème de l’attaque est bien plus simple. Max Kruse manque terriblement au Werderaner, et ce, même à 32 ans.
Une guerre extra-sportive
Le Weserstadion a également été le théâtre de protestations et controverses. Une guerre opposant les supporters et les hauts dirigeants du club laisse un climat hostile et pesant au sein du club depuis le lancement de la saison. Les fans du Werder, dirigés par l'un des groupes “d’ultras” les plus virulents d'Allemagne, sont restés largement favorables à leur équipe. Cependant, ils ne cessent de contester la décision controversée de vendre les droits de naming du stade à la société immobilière Wohninvest.
Les bannières avec des messages tels que "Pour toujours Weserstadion" et "Weserstadion intouchable" sont monnaie courante dans les matchs à domicile, tandis que des pancartes qualifiant la société de "requins de la propriété" sont suspendues au-dessus de la tribune VIP d'où les sponsors regardent les matchs. Dix minutes après le match à domicile contre Paderborn, les fans ont même accroché un drap noir sur la tribune VIP, bloquant la vue des occupants.
Le stade sur les rives de la Weser est l'un des plus bouillants d'Allemagne, mais ce n'est pas un terrain de chasse heureux cette saison. Ce qui pourrait expliquer le bilan pitoyable du club à domicile...
En clair, que ce soit dans le stade ou en dehors, cette année est totalement à oublier pour le Werder. Le fait de Passer en 6 mois de viser une place qualificative pour l’Europe, à jouer son maintien, fait figure de bouleversement massif au sein de l’équipe. Le championnat pourrait reprendre dans quelques semaines, mais sans supporters dans les stades. Après tout, Brême ne peut pas faire pire que ce qu’ils ont fait dans un stade plein. Dans ce cas-là, la mission pour le club est de se sortir de la relégation. Et ensuite, il devra compenser les probables départs de Eggestein et Rashica cet été. Le Werder Brême est très loin de voir le bout du tunnel.
Marco Gasparini
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