LES RÉVOLUTIONNAIRES #3 : Johan Cruyff et la révolution de velours
- LA FINE EQUIPE
- 4 mai 2020
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Légende de l’Ajax, du Barça et des Pays-Bas, Johan Cruyff est un des plus grands révolutionnaires du ballon rond. En tant que joueur et entraîneur, le football moderne lui doit beaucoup (mais cet aspect fera l’objet d’un autre épisode). Ici, c’est en tant qu’amoureux de l’Ajax et membre de la direction que la légende oranje va entamer sa révolution. D’une main de fer dans un gant de velours, Cruyff va reprendre en main le club, en perdition, qui a vu naître sa légende.
Johan Cruyff, largement dans le top 10 des plus grands joueurs et des meilleurs entraîneurs de l’histoire, est un amoureux inconditionnel du football. Et plus que ce sport , il voue à l’Ajax Amsterdam un amour passionnel. Alors quand il constate que sa moitié, l’Ajax, est gangrenée par des dirigeants incompétents, il décide de prendre les choses en main.
En 2010, le bilan est catastrophique pour le club de la capitale hollandaise. Entre, humiliations européennes, déconvenues nationales, finances catastrophiques, recrutements déraisonnables et centre de formation en perdition, les Lanciers trahissent leur ADN et bafouent leurs principes. C’en est trop pour l’ancien numéro 14 : si personne n’est capable de gérer son club de cœur, il le fera lui-même.
Acte I : « J’accuse…! »
« Ce n’est plus l’Ajax » ; « Je ne reconnais plus mon Ajax », chaque semaine, à partir de septembre 2010, le Hollandais Volant tacle son ancien club à travers des chroniques hebdomadaires salées pour le quotidien néerlandais De Telegraaf. S’appuyant sur son image de héros national et sur le mécontentement des supporters, il descend les dirigeants et appelle les anciens joueurs à reprendre le club en main. Selon lui, ils doivent intégrer tous les organes du club pour y faire renaître : une direction saine, un style de jeu attractif, un centre de formation de qualité et de meilleurs choix de recrutement. Ces objectifs sont compilés dans ce qu’on appellera « le rapport Cruyff ».
Les attaques médiatiques portent leurs fruits, le 6 décembre 2010, Martin Jol démissionne, qualifié de « pire technicien qu’il ait jamais vu » par Cruyff. Les dirigeants ajacides se désolidarisent de l’entraîneur suite aux nombreuses attaques du grand Johan. Son successeur, Frank de Boer, est un partisan des idées de Cruyff. Il revient aux fondamentaux de l'Ajax, le 4-3-3, et donne une chance aux jeunes. Il permet au club de la capitale de décrocher son 30e titre de champion, le dernier depuis 2004. Dans l’intervalle, un rapport aux lourdes conséquences est publié. Le petit prince de l’Ajax y critique l’état du centre de formation, il réclame une purification du conseil d’administration. Ce dernier démissionne en mars, sous la pression. En mai, c’est au tour du président et du directeur de la formation de prendre la porte après la nomination de l’ancien numéro 14 au Collège des Commissaires. C’est une première réussite, l'institution est assainie : 1-0 pour le clan Cruyff.
Acte II : la contre-attaque
En fin d’année 2011, les 5 membres du Collège des Commissaires cherchent un nouveau Directeur technique pour l’Ajax Amsterdam. Quatre des cinq membres décident de nommer Louis Van Gaal, le cinquième membre, absent lors de la décision pour un voyage en Catalogne, est furieux. Il faut dire que le cinquième commissaire ne porte pas le nouveau directeur technique dans son cœur. Ce cinquième membre est évidemment Johan Cruyff, vous l’aurez compris. Face à ce coup de Trafalgar, il rentre dans une fureur immense. Il veut casser la décision du Collège des Commissaires à tout prix. Le match se déroulera au tribunal et l’arbitre portera une robe. Le 27 novembre 2011, c’est une équipe de légendes qui se présente à la barre : Cruyff, Jonk, Stam, Bergkamp, Overmars.
En attendant le verdict, les fourberies sont légion. Le clan Cruyff et les quatre autres commissaires se rendent coup pour coup. Bénéficiant de l’appui de l’opinion publique, la bande de Johan prend vite le dessus. Le Collège des Commissaires subit un tel lynchage qu’ils doivent faire appel à des sociétés privées pour assurer leur sécurité.
Le 12 décembre, le procès est remporté par l’ancien capitaine batave. Tous ses opposants démissionnent dans la foulée. Il est désormais le seul maître à l’Ajax. Il place alors ses plus fidèles partisans aux postes clés de l’organigramme du club amstellodamois : De Boer reste entraîneur de l’équipe première, Bergkamp adjoint en charge du travail des attaquants, Stam gère les défenseurs, Jonk à la tête de la formation, Overmars directeur sportif et enfin Van der Sar comme directeur commercial. La victoire est totale, comme souvent avec Cruyff.
Acte III : et après ?
La génération dorée qui a éclaboussé l’Europe de son talent l’an dernier doit beaucoup à la lutte de Cruyff. Les De Light, De Jong, Van de Beek… Sont de purs produits du centre de formation 2.0, couvés selon l’ADN Ajax. Quant à Ziyech, Tadic ou Neres, leur venue est dûe à l’habile recrutement des dirigeants. Le Prince d’Amsterdam a replacé son club sur la liste des grands clubs d’Europe. Certes, l’Ajax ne se bat pas avec les mêmes armes que le Real Madrid ou Manchester City. Mais en restant fidèle à ses principes et en appliquant le « plan Cruyff », les Lanciers ont remporté l’Eredivisie entre 2011 et 2014, puis de nouveau en 2019, atteint la finale de l’Europa League en 2017 ainsi que la demi-finale de la Ligue des Champions 2018-19. De plus, les finances se portent bien et le centre de formation est mondialement réputé.
Toutefois, le Prince, devenu Roi, s’est éteint le 24 mars 2016, emportant avec lui la flamme de la révolution de velours. Depuis quelques années, son dogme perd de l’influence au sein de la direction amstellodamoise. Marc Overmars lui-même est critiqué par ses pairs pour le manque de soutien auprès du centre de formation et les dépenses déraisonnables. Ces derniers craignent même, à force de renier le « plan Cruyff », un retour à la situation pré-révolution de velours, d’ici 5 à 6 ans.
Johan Cruyff a sauvé l’Ajax Amsterdam, il a redéfini les lignes directrices d’un club en perdition par une lutte médiatique et judiciaires de tous les instants. Ce club lui a tout donné et il s’est battu, tout au long de sa vie, pour lui rendre la pareille. La révolution de velours représente le testament du prince, du roi, que dis-je ? Du Dieu de l’Ajax Amsterdam.
POUDENSAN Eliot
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