Les nouveaux gloutons à l’assaut des Monuments
- LA FINE EQUIPE
- 25 oct. 2020
- 4 min de lecture
La campagne des classiques vient de s’achever. Quoi qu’amputée d’un de ses Monuments, elle a vu l’éclosion d’une nouvelle catégorie de coureurs qui semblent en capacité de s’imposer sur quasiment toutes les courses. Un phénomène qui rappelle l’âge d’or du cyclisme avec les Merckx, Hinault et compagnie.
Evidemment, cette saison des classiques ne fut pas des plus tranquilles, avec un calendrier quelque peu bouleversé par la pandémie de Covid et un Monument annulé (Paris-Roubaix). Néanmoins, elle accoucha d’un cru de haut vol. On a pu assister au bras de fer entre Wout Van Aert et Julian Alaphilippe sur la via Roma à San Remo, au sprint insolite à Liège, à la magnifique bagarre entre Mathieu Van der Poel et Van Aert (encore lui) sur le Tour des Flandres.
Au-delà des résultats, on peut observer une tendance au rajeunissement. Même si Jakob Fuglsang (35 ans) a fait de la résistance en remportant un Tour de Lombardie grandement délaissé par les grimpeurs occupés par le Tour de France. Mathieu Van der Poel et Wout Van Aert ont beau avoir “déjà” 25 et 26 ans, ils ne disputaient respectivement que leur deuxième et troisième campagne. Et il n’a fallu que deux participations au Hollandais pour remporter le Tour de Flandres. De même pour le Belge à Milan-San Remo. On a d’ailleurs hâte de voir Marc Hirschi (22 ans) sur ces courses. Le récent vainqueur de la Flèche Wallonne a tout pour être un redoutable adversaire sur les classiques.
A ce duo, il faut y ajouter Julian Alaphilippe, qui, à 28 ans, est en train de vivre le temps fort de sa carrière. Ces trois-là donnent l’impression de pouvoir gagner partout. Aussi bien dans les monts flandriens, dans les côtes ardennaises, que dans les cols italiens. Ils savent tout faire : rouler, grimper, sprinter, descendre...
Qui peut gagner quoi ?
Maintenant qu’on connaît les forces en présence, on va s’attarder sur les chances de chacun de remporter les différents Monuments.
Commençons par Julian Alaphilippe. Le champion du monde a sans doute le plus gros point faible. Paris-Roubaix semble être la classique la moins accueillante pour lui au vu de sa morphologie (1m73, 60kg). Pas sûr que son agilité puisse compenser son manque de puissance et de poids sur les pavés. Mais Alaf semble aussi présenter le plus de points forts. Ses qualités de puncheur lui permettent de jouer la gagne sur les quatre autres Monuments. Avec une victoire en 2019, une deuxième place en 2020, et une troisième en 2017, le français est le grand spécialiste de Milan-San Remo. Aucune raison qu’il ne continue pas à y briller. Sa première expérience sur le Tour des Flandres laisse un goût amer. Putain de moto. On ne sait donc pas s’il pouvait jouer la gagne. Il restait 35 kilomètres (pas les plus faciles) mais le coureur de la Deceuninck-Quick Step semblait à l’aise dans les monts pavés en multipliant les offensives. Une chose est sûre, il retentera sa chance à l’avenir. Sur Liège-Bastogne-Liège, on le voit lever les bras. L’image est trompeuse. Il s’est sans doute vu trop beau sur un parcours qu’il maîtrisait parfaitement. Mais il ne lui manque pas grand chose, juste un sprint bien exécuté. Le Tour de Lombardie est une course qui lui tient à coeur, où les petits cols ne lui posent pas de problèmes et les descentes l’avantagent. Il a déjà connu les sensations du final en 2017 en terminant second dans la roue de Nibali.
Wout Van Aert semble être le plus complet. Il dispose d’atouts pour être à la bagarre sur les cinq Monuments. Le Belge a gagné la Primavera en août dernier, il a donc les clés pour dompter le Poggio, gérer les derniers kilomètres avant la Via Roma et s’imposer, si besoin, au sprint. Il a également bien sûr les jambes pour gagner le Ronde, il l’a loupé cette année pour quelques millimètres mais ça ne remet rien en cause de sa maîtrise du parcours. Son explosivité acquise sur le cyclo-cross est un avantage indéniable. Le coureur de la Jumbo-Visma a goûté deux fois aux pavés du Nord de la France mais jamais dans des conditions pour gagner Paris-Roubaix (13e et 22e) car il s’était plus concentré sur le Tour des Flandres. Ses qualités de rouleur puissant doivent le favoriser. Liège-Bastogne-Liège est pour lui la grande inconnue. Ce n’est pas un hasard s’il l’a zappée cette année alors qu’il aurait pu la découvrir dans la foulée des Mondiaux au profil similaire. Même constat sur le Tour de Lombardie que pour la Doyenne,. Il devra se mettre en tête de courir jusqu’en octobre et de travailler ses qualités de grimpeur. Ces dernières, dévoilées sur le Tour de France, ne lui interdisent rien sur ces deux courses.
Mathieu Van der Poel semble parfaitement armé pour réaliser un doublé Flandres-Liège. Sa victoire dimanche dernier pour sa seconde participation seulement laisse imaginer la suite de sa carrière sur ce Ronde qu’il a maîtrisé à la perfection. Sur Liège-Bastogne-Liège, le champion hollandais a fait ses premiers pas cette année sans trop y croire. Trop juste dans la Roche-aux-Faucons, sa 6ème place l’a conforté pour le futur même s’il faudra faire des choix de calendrier dans la foulée des Flandriennes. Il rêvait de découvrir cette année Paris-Roubaix avant son annulation. Il y fera ses débuts en avril prochain avec les mêmes ambitions. Il a toutes les qualités pour exceller sur la reine des classiques, notamment grâce à sa puissance et son insouciance. En revanche, les classiques transalpines semblent moins lui convenir. Moins expérimenté que ses rivaux sur Milan-San Remo, sa 13eme place dans le deuxième groupe est passée inaperçue mais il a pris ses marques pour passer notamment le Poggio avec les meilleurs. Sa découverte des routes lombardes en août n’a pas été un échec à proprement parler (c’est juste que ça n’a pas marché lol) mais le coureur de la formation Alpecin-Fenix n’a pas non plus pesé sur une course qui grimpe trop pour lui.
On en parle car c’est une rareté dans un cyclisme qui est devenu hyper spécialisé depuis les années 1990. Bien sûr, Van der Poel, Van Aert et Alaphilippe ne vont pas enfiler les cinq Monuments en une saison. Il leur faudra faire des choix dans un calendrier “normal”. Mais dans tous les cas, c’est une excellent nouvelle pour le cyclisme. Et ce n’est pas un hasard si l’archétype du coureur complet, tout-terrain, renvoie à l’âge d’or du cyclisme.
Hugo MARTIN
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