Le Tour de France 2019, édition royale
- LA FINE EQUIPE
- 3 août 2020
- 6 min de lecture

Il est de ces Tour de France qui reste. De par sa grandeur, sa dramaturgie et son suspense, le Tour de France 2019 a gagné sa place dans le panthéon de la Grande Boucle. Un nouveau vainqueur, des français qui brillent et des étapes complètement folles, rétropédalage sur ce Tour de France version juillet 2019.
Qui dit juillet, dit Tour de France non? Cette phrase qui coulait de source avant cette année 2020, est devenu, le temps d’une année, fausse. A notre plus grands désespoir, la Grande Boucle n’a pas accompagnée nos après-midi de juillet. Un terrible vide, un besoin qui n’a pu être assouvi. La voix de Thierry Adam me manque terriblement. Un mois de juillet sans Tour c’est comme un gâteau sans la cerise. Il manque un truc. La plus belle course du monde aura néanmoins lieu. En septembre. En attendant, retour sur la dernière édition, véritable chef d’œuvre pour les fans de cyclisme.
Semaine 1 : Une mise en bouche succulente
Le Tour part de Belgique, le pays d’Eddy Merckx. Il fait très chaud sur la route du tour, c’est pas la clavicule mais la canicule Thierry ! Fuglsang se prend les pieds dans le tapis, pendant que Teunissen étonne et remporte cette première étape, devant Peter Sagan, devenant le premier hollandais a porté le maillot jaune depuis 30 ans. Le lendemain, tempête hollandaise sur le Tour. La Jumbo-Visma remporte le CLM par équipe devant Ineos. Teunissen reprend un jaune. 3e étape, retour en France, synonyme du premier frisson bleu-blanc-rouge. Alaphilippe, Julian de son prénom, remporte l’étape en étant parti en solo à 15km de l’arrivée. Tout seul comme un grand. Un bonheur n’arrive jamais seul. C’est bien ça l’expression? Thomas Voeckler, l’idole de toute une génération, n’est plus le dernier français porteur du maillot jaune. C’est Julian. En pleur lorsqu’il l’apprend, il était attendu, ils l’attendaient, il l’a eu et les as eu. Quelque chose me dit qu’on reparlera de ce bonhomme. La 4e et 5e étape verront la victoire de Elia Viviani, sa première sur le tour. Et de l’inévitable maillot vert, qu’il ramènera à Paris, Peter Sagan. Cette fin de première semaine est l’occasion pour les favoris de s’expliquer une première fois. A la Planche des Belles Filles, Dylan Theuns s’impose devant Giulio Ciccone. Malheureusement pour Alaphilippe, le dernier cité lui prendra son maillot jaune pour 6 petites secondes, quand Romain Bardet montrera d’inquiétudes signes de faiblesses, qui se confirmeront plus tard. Cette 7e étape voit le sprinteur de la Jumbo-Visma, Dylan Groenewegen, s’imposer. Pause. Un instant pour rendre hommage à Stéphane Rossetto, coureur de la Cofidis, qui participait pour la première fois de sa carrière à la Grande Boucle et dont ses paroles résonnent encore «Y’en a qui diront que le panache ça sert à rien mais moi je pense qu’on peut gagner avec le panache». Souvent échappé, toujours rattrapé. Un jour. Peut-être. Le vélo qu’on aime Stéphane.
Semaine 2 : Alaphilippe et Pinot pour la gloire
Quoi de mieux pour démarrer la seconde semaine de ce Tour déjà tumultueux, qu’un coup de force français. Geraint Thomas, le vainqueur 2018, se prend les pieds dans le tapis avec ses coéquipiers. Pendant ce temps, l’inévitable Thomas de Gendt est devant et gagne. Derrière lui ? Cocorico et l’une des plus belles images de ces 3 semaines. Alaphilippe et Pinot, roue dans roue, lâchant tout le reste du peloton. Ils finissent 2e et 3e de l’étape tout en prenant 20 secondes à leurs concurrents. Le panache à la française. Le panache qui gagne. Le panache qui ramène le maillot jaune à notre Julian national. Un duo qui fonctionne et qui fait rêver. Duo de circonstances. Puisque, 2 jours plus tard, le bonheur de l’un fera le malheur de l’autre. On dit souvent que le tour ne se gagne pas dans les étapes de transitions. C’est vrai. Mais il se perd par contre. La deceuninck tente une bordure. Qui s’y colle ? C’est encore Julian et personne ne rigole derrière lui. Puis vient le fameux rond-point de cette 10e étape. Ah ce rond point.. Thibaut Pinot le prend à gauche. Problème il fallait prendre à droite. Les groupama FDJ se retrouvent piégés. A l’arrivée c’est encore un Jumbo qui s’impose. Groenewegen ? Non. Ah bah c’est Teunissen. Toujours pas. Wout Wan Aert surprend son monde et bat Elia Viviani. Derrière, c’est la soupe à la grimace pour Pinot qui avait si bien débuté ce Tour. Accompagné de Porte ou encore Fuglsang ils perdent 1,40 sur le maillot Jaune. Ca fait cher le mauvais choix de côté au rond point. «Journée de merde» dira le franc comtois. Dépit. Après le repos, direction les Pyrénées. Avant, une halte à Toulouse, où le petit Caleb Ewan s’impose devant le grand Groenewegen. Première étape dans les Pyrénées à Bagnère de Bigorre où Simon Yates s’illustre. La vie en jaune continue pour Julian. Contre-la-montre. Cabossé c’est pour les puncheurs. Pinot se débrouille, termine 7e et lâche seulement 49 secondes au futur vainqueur. Thomas ? Non non, le galois et dernier vainqueur du tour ne gagnera pas cette étape. Parce que derrière lui un homme vole. Incroyable, majestueuse, ces termes résument bien la performance de Julian Alaphilippe à Pau ce jour-là. Lui à qui on prédisait de perdre beaucoup de temps sur Thomas gagnera finalement 14 secondes, porté par un public en ébullition. Un maillot jaune français vainqueur d’un CLM, ce n’était plus arrivé depuis 1984. Le lendemain ? Toute petite étape sur le papier (117km) pour un spectacle gigantesque. Le légendaire Tourmalet. Pinot, toujours aussi frustré après l’étape d’Albi, accélère avec son jeune coéquipier David Gaudu. L’insouciance de la jeunesse c’est beau. Encore plus quand son travail monstrueux fait «sauter» Geraint Thomas à 3km du sommet. Encore mieux. Pinot, dans une forme époustouflante, remporte cette étape, laissant une impression de facilité. C’était lui le plus fort aujourd’hui et il se repositionne au classement général. Ce n’est pas la seule satisfaction de la journée puisque on ne fête pas une victoire française ce soir-là mais un doublé français. “Alaph”, toujours présent, termine 2e et continue de rouler en jaune. Et si... «C’est tout le pays qui est derrière vous» affirmera même Emmanuel Macron. Julian entretient l’idée et l’espoir qu’ont les français qui attendent un vainqueur français à Paris. Etape 15. Simon Yates récidive et s’impose sur les hauteurs de Foix Prat-d’Albis. Le peloton ? C’est encore les mêmes qu’on retrouve. Pour notre plus grand plaisir of course. Pinot again. Thomas ne peut pas. Alaphilippe a un coup de mou quelques mètres après. Repris puis distancé par le gallois. Heureusement pour le français il ne lui restera qu’1km pour rallier le sommet et gardera 1 minute et 30 secondes d’avance, première fois qu’il flanche. Pinot termine second et revient à la 4e place au général à 25 secondes de Thomas.
Semaine 3 : Le rêve tombe à l’eau, Bernal triomphe
Avant de rejoindre les Alpes et après ces 3 jours en enfer dans les Pyrénées pour les sprinteurs, ceux-ci ont une ultime occasion de se distinguer avant les Champs Élysées. A Nîmes, Caleb Ewan, remporte sa seconde étape. Avant le triptyque alpestre, une étape dans les contreforts des montagnes, qui réussira à Matteo Trentin. Place à la dernière ligne droite. Pinot et Alaphilippe vont devoir batailler. Que la fête commence. La dernière explication. A la fin de cet enfer de 3 jours pour les coureurs, on saura qui remporte le Tour et si un français va triompher. La France espère et a de bonnes raisons d’espérer. La première étape est le terrain de jeux des colombiens. Quintana est plus fort que Bardet et gagne à Valoir mais celui-ci se console avec le maillot à pois. Derrière, les Ineos se rebellent. Bernal suivi de Thomas y vont. Pinot suit, Alaphilippe coince. Mais cet homme-là n’abandonne jamais. La descente lui sera favorable. Mais les signes sont là. Malgré tout il conserve son avance d’1,30 sur le second. Changement, c’est Egan Bernal qui a pris 30 secondes à tous ses concurrents et qui talonne le français. Et là c’est le drame. Cette seconde étape dans les Alpes est synonyme de crève coeur pour le peuple français. Cruel. Le mot n’est même pas assez fort. Thibaut Pinot, au sommet de sa forme, est contraint à l’abandon. Foutue cuisse. Foutu poussière dans l’oeil. Le garçon en pleur le sait. Il rate une occasion qui ne se représentera peut-être jamais lui qui était sûrement le plus fort. Après c’est une lutte sans merci. Alaphilippe, seul contre tous, craque dans l'Iseran. Devant, Bernal s’envole et fonce vers la victoire d’étape et le maillot jaune. Sauf que. Le ciel tombe sur le Tour et l’étape est neutralisé pour la première fois de son histoire. Les temps sont pris au sommet. Pas de vainqueur d’étape ce jour-là mais Bernal, à seulement 22 ans et à 2 jours de l’arrivée sur les champs, vient de gagner le Tour de France. Jeudi noir. L’avant dernière étape est amputée de 60km dû aux conditions climatiques. Nibali s’impose pour sauver son tour, Bernal contrôle, Geraint Thomas est son dauphin, Alaphilippe, au bout du bout, terminera 5e au classement général.
Non le successeur de Bernard Hinault n’a pas encore vu le jour. L’histoire ne saura jamais si Thibaut Pinot aurait pu. Mais qu’importe. Ces deux hommes là nous ont fait vibrer. Ils nous ont offert une lueure d’espoir que, depuis bien trop longtemps, nous n’avions pas pu apercevoir. Ce tour-là restera dans les annales en parti grâce à eux. Aussi grâce à Egan Bernal, merveilleux coureur, qui fut, un très beau vainqueur, parce que c’était lui le plus fort tout simplement.
Yohan Lemaire
Comments