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La Série A retrouve des couleurs

Championnat phare des années 90, la Serie A marque le pas depuis une quinzaine d’années. Il n’y a qu’à regarder la situation du Milan ou de l’Inter pour comprendre que le championnat italien a loupé son entrée dans le football moderne. Seule la Juventus fait exception et demeure l’une des équipes les plus compétitives d’Europe. D’où vient ce retard, bien qu’il tende à s’inverser ? Le Calcio pointe à nouveau le bout de son nez.



Entre 1989 et 2007, les clubs de Serie A glanent quatorze titres européens sur trente-huit possibles (C1+C3). Personne ne fait mieux en Europe. De 2007 à aujourd’hui, un seul titre sur vingt-six possibles. Le constat est sans appel, le championnat italien a perdu de sa superbe. L’économie du football évolue à grande vitesse. Là où les championnats anglais et allemand ont profité des années 2000 pour modifier leur système économique avec notamment une modernisation de leurs stades, le football italien a loupé le coche.


Certains stades sont mythiques en Italie comme San Siro à Milan ou San Paolo à Naples, mais ils sont vétustes et parfois inadaptés. Autre exemple, pourquoi garder une piste d’athlétisme autour du stade de Rome ? Et bien, en Italie, la grande majorité des clubs sont locataires des terrains qui appartiennent à la ville. Là où en Angleterre seize clubs sont propriétaires de leur stade, seul quatre clubs italiens sont maîtres de leur enceinte, la Juventus, Sassuolo, l’Udinese et l’Atalanta. Globalement, les infrastructures italiennes ne sont pas adaptées au football « business » d’aujourd’hui. Un manque à gagner important par rapport aux grands clubs anglais, espagnols ou allemands, les stars du football ne jouaient plus en Italie, faute de moyens financiers.


La Juventus, l’exemple à suivre


En 2011, la Juventus Turin s’installe au tout nouveau Juventus Stadium, une révolution en Italie. Le stade appartient au club et la Juventus devient maître de la totalité des revenus. Le président du club, Andrea Agnelli, n’a qu’une idée en tête : moderniser son club et recoller avec les Real Madrid, Manchester City et autre Bayern Munich. En plus du stade, le Juventus Center accueille un centre d'entraînement et de formation, des bureaux, un hôtel, un concept-store et même une centrale électrique. La Juventus n’est plus un simple club de football, elle est devenue une entreprise. L’effet est immédiat et les revenus du club augmentent. A titre d’exemple, les recettes « jour de match » passent de 11 millions d’euros en 2010 (ancien stade) à 32 millions d’euros en 2011 (Juventus Stadium) et ce chiffre ne cesse de croître.


Deuxième mutation, plus récente cette fois, la Juventus modifie son logo pour ne laisser apparaître qu’un écusson épuré. Le but, créer un style graphique facilement déclinable, ce logo n’est plus estampillé « football ». Oui, la Juventus est bel et bien devenue une marque. Ces mutations permettent aux Bianconeri de dominer le football italien de manière économique et donc de le dominer plus facilement d’un point de vue sportif. Le club est sur une série de neuf titres consécutifs et se permet de recruter certains des meilleurs joueurs au monde, à l’image de Cristiano Ronaldo. Une hégémonie implacable sur le papier mais dans les faits, la Juventus n’est plus si dominatrice. Le football italien se réveille et commence à faire vaciller la Vieille Dame.


La Série A de nouveau compétitive


La Série A demeure un championnat reconnu et certains clubs ont une résonance internationale très forte. Le Milan AC en est l’exemple parfait. Cette image attire les investisseurs. On observe donc en Serie A de plus en plus de clubs qui passent sous pavillons étrangers. A l’été 2011, la famille Sensi cède le club de l’As Roma à un fond d’investissement américain. Le club de la capitale est le premier à passer le pas. La Roma retrouve un bon niveau et vient rapidement se positionner sur le podium, sans jamais dépasser la Juventus. Depuis, d’autres clubs emblématiques ont emboîté le pas, et pas des moindres, comme le Milan AC et l’Inter Milan. On retrouve aussi Parme, la Fiorentina et Bologne. Le club de Sassuolo, lui, appartient au grand groupe de matériaux de construction italien Mapei. L’apport financier de ces investisseurs permet aux clubs de Serie A d’améliorer leurs effectifs et on retrouve aujourd’hui des équipes de plus en plus compétitives.


L’apport de nouvelles liquidités permet également de lancer de grands projets de modernisation des stades et des infrastructures. Le projet de grand stade de l’As Roma est lancé dès l’arrivée du premier propriétaire américain, mais il stagne depuis 2013. Le Milan et l’Inter ont récemment proposé eux aussi différents projets d’un nouveau stade. Les effectifs italiens s’étoffent et désormais, la Juventus est souvent malmenée, mais jamais battue. Elle remporte le championnat de justesse. Un seul point d’avance sur l’Inter Milan la saison dernière. Le Calcio est à nouveau attractif et le spectacle proposé est de qualité. La saison dernière, 3,04 buts étaient inscrits en moyenne de l’autre côté des Alpes. Un renouveau offensif qui en dit long.


Une révolution culturelle du jeu italien ?


L’Italie est sans conteste l’une des plus grandes nations du football. Et aussi longtemps qu’on s’en souvienne, les Italiens défendent, et ils défendent bien. Le football italien est un football tactique, très rigoureux. L’Italie a longtemps basé son football sur une défense extrêmement forte. Les Maldini, Nesta, Baresi, Cannavaro sont tous des références à ce poste. Les Italiens attirent et usent leurs adversaires avant de les surprendre en contre-attaque ou sur coup de pied arrêté, c’est le catenaccio. Mais il semblerait que le jeu de possession moderne venu d’Espagne ait fini d’enterrer ce football d’un autre temps.


Mais l’aspect tactique est toujours omniprésent en Italie. Preuves en sont les nombreux témoignages des joueurs qui découvrent ce championnat. Maxime Lopez, fraîchement débarqué à Sassuolo confiait ceci à RMC : « C’est surtout la rigueur qui est plus importante. Ici, en Italie, on peut arriver à 13h et rentrer chez nous à 20h. Le coach ne dit pas : aujourd’hui, on fait une heure et demie. Un exercice peut durer une heure s’il n’a pas ce qu’il veut. Les Italiens ont cette rigueur dans la peau. » Pourtant, l’Italie semble connaître une révolution culturelle de son football. On n’hésite plus à attaquer. L’Atalanta a par exemple inscrit 98 buts la saison dernière. L’Inter Milan, Sassuolo, l’Atalanta ont une moyenne de 3 buts par match depuis le début de la saison. Des tacticiens comme Gian Piero Gasperini, Roberto de Zerbi, ou encore Roberto Mancini avec la sélection nationale contribuent à faire évoluer le football italien. Ce sont des adeptes du football offensif et rapide. Le championnat est redevenu spectaculaire. 3,8 buts inscrits en moyenne depuis le début de la saison en Italie, devant l’Angleterre avec une moyenne de 3,3 buts par match.


La Série A retrouve des couleurs, son jeu a changé devenant beaucoup plus attractif. Les investisseurs n’hésitent plus à s’offrir des clubs italiens. Cet apport de nouvelles liquidités permet de lancer de nombreux projets de modernisation des structures ainsi que de recruter des joueurs de très très haut niveau. Un cercle qui pourrait se révéler vertueux. Le chemin est encore long mais les clubs italiens reviennent peu à peu sur le devant de la scène européenne.

Bastien LOUBET


 
 
 

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