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Fuite des cerveaux en Premier League

La signature de Kieran Trippier à l’Atlético de Madrid l’été dernier confirme une tendance qui se répète ces dernières années. Les footballeurs anglais trouvent de moins en moins l’opportunité d’évoluer en Premier League. Par conséquent, les jeunes joueurs anglais n’hésitent pas à traverser la Manche pour chercher du temps de jeu sur le continent.


La Premier League est considérée comme le meilleur championnat du monde. De ce fait, le footballeur anglais a toujours cru que l’herbe était plus verte chez lui. Les joueurs, qui quittaient le Royaume, étaient souvent des joueurs confirmés ou en fin de carrière. Sauf que, le départ de Jadon Sancho au Borussia Dortmund en 2017 a marqué un tournant pour ses compatriotes. Depuis, beaucoup de jeunes joueurs anglais ont décidé de sortir de leur zone de confort. Une migration précoce qui préoccupe les instances du football anglais car, depuis quelques années, une flopée de jeunes talents ont vu le jour, hors du Royaume. 


La richesse des clubs, un frein pour les jeunes joueurs anglais ?


Tout d’abord, l’abondance de l’argent dans la Premier League est devenue un obstacle pour les jeunes joueurs prometteurs. Ces derniers exigent de plus en plus de minutes et en face, les clubs sont souvent dans la sourdine. Exigence de résultats ? En tout cas, les bonnes performances rapportent de gros pactoles qui poussent à investir davantage sur les joueurs étrangers. En Angleterre, les caisses des clubs débordent. Il suffit notamment de jeter un coup d’œil sur les revenus commerciaux et de télévision pour en avoir la preuve. L’exemple le plus probant est certainement celui de Huddersfield Town. Alors qu’il a terminé lanterne rouge en 2018/2019, le club a encaissé un montant supérieur à 100 millions d'euros. Voilà ce qui reflète bien les sommes générées par les équipes anglaises.


En outre, l’amélioration de la formation offre aux clubs des opportunités de rentrées d’argent dans la vente de jeunes joueurs. À ce jour, Arsenal, Chelsea, Manchester City, Liverpool, Manchester United et Tottenham sont les équipes les plus importantes du pays.Ils disposent donc de meilleures ressources économiques et de l’attractivité nécessaire pour avoir les meilleures académies du pays. Ainsi, chacun profite de la qualité des jeunes joueurs qu’il considère comme de véritables valeurs marchandes. Cela étant, le marché des jeunes joueurs avec moins de dix matchs a rapporté 180,88 millions d’euros au « Big Six ». La part la plus importante revient à Manchester City avec 87,54 millions.


Notons que, parmi les cinq grandes ligues européennes, la Premier League est celle qui compte le pourcentage d’étrangers le plus élevé. Seuls 34,5% des joueurs sont Anglais. Si l’on ajoute toutes les nationalités du Royaume-Uni, ce pourcentage s’élève à 44,1%. En d’autres termes, 65,5% des joueurs sont des étrangers et si tous les Britanniques sont réunis, le pourcentage chute à 55,9%.


A cet égard, en mars 2019, l'observatoire du football CIES a publié un rapport analysant le rôle des joueurs anglais en Premier League entre 2009 et 2019. La conclusion la plus frappante est que les joueurs sélectionnables par Gareth Southgate ont joué seulement 35,2% du temps de jeu disponible lors de la saison 2018/2019. Un fait qui s’est aggravé au fur et à mesure car en 2011/2012, le pourcentage était de 45,1%. En effet, cette régression coïncide avec l’augmentation des revenus provenant des droits de télévision.


L'opportunité de grandir et d'évoluer


Compte tenu de ce scénario, la tendance de ces deux dernières années est assez logique. Un mouvement migratoire de jeunes joueurs anglais, à quelques exceptions près, vers les autres championnats européens. Le pionnier étant Jadon Sancho qui, à l’été 2017, a quitté Manchester City pour le Borussia Dortmund. Au fur et à mesure, l’attaquant a accumulé du temps de jeu jusqu’à devenir un élément essentiel du Dortmund de Lucien Favre et des Three Lions. Sancho a, en effet, servi d'exemple pour le reste de ses compatriotes. Beaucoup d’entre eux l’ont imité et ont tenté l’aventure outre-manche dans l’espoir de progresser.


Pour prendre un autre exemple, le cas de Noni Madueke a beaucoup fait parler en Angleterre. À 16 ans, il a choisi de quitter Tottenham et de snober en même temps un contrat professionnel que lui proposait Manchester United. Le jeune meneur de jeu a tenté l’aventure au PSV Eindhoven. Un club qui ne rechigne pas à intégrer très tôt les jeunes joueurs dans l’équipe première.


Selon le directeur du football du PSV Eindhoven, la raison de ces départs vers de nouveaux cieux est simple. Les jeunes joueurs anglais sont prêts maintenant à traverser la Manche. Ils n’attendent plus longtemps dans les réserves des clubs qui les ont nourri. Ainsi,un autre rapport publié par le CIES en mai dernier indique que l’Angleterre compte 431 footballeurs expatriés. Un chiffre qui, désormais, a augmenté lors de la dernière fenêtre des transferts. En outre, l’Angleterre est le cinquième pays de ce classement derrière le Brésil, la France, l’Argentine et la Serbie.


Un combat pour le sélectionneur national


Gareth Southgate a pris les rênes de la sélection nationale le 30 novembre 2016. Depuis, il a donné la chance à dix jeunes joueurs. Beaucoup de ces garçons ont fait partie des meilleures années des Three Lions dans les catégories inférieures. Finalistes du championnat d’Europe des moins de 17 ans en 2017. les jeunes Anglais ont ensuite remporté la Coupe du Monde des moins de 20 ans, celle des moins de 17 ans ainsi que l’Euro des moins de 19 ans. Southgate s’est révélé être le profil idéal pour ces jeunes durant ces trois dernières années. Il a été sélectionneur des U17 et connaît à la perfection le football de base anglais. Ainsi, quand l’occasion se présente, il n’hésite pas à donner des opportunités même chez les A.


De toute évidence, la fédération anglaise (F.A) avait déjà perçu un problème récurrent. À leur majorité, les jeunes joueurs anglais étaient dans le "vide" et beaucoup ne rejoignaient pas la sélection A. Par conséquent, pour remédier à cette situation, la Premier League a approuvé le 20 octobre 2011 : l’Elite Player Performance Plan. Une initiative de soixante-dix-sept équipes de la Football League dont l’objectif était et reste d’améliorer la quantité et la qualité dans les centres de formation. En ce sens, une amélioration des installations sportives et une augmentation des investissements ont été encouragées. De surcroît, les clubs doivent avoir au moins huit joueurs formés au pays dans leur effectif.


Désormais, les équipes de la Premier League sont autorisées à compter jusqu’à dix-sept joueurs non formés au pays au sein d’un effectif de vingt-cinq membres. Un chiffre que la FA veut diminuer jusqu’à treize pour aider les joueurs locaux. Par ailleurs, un autre facteur non négligeable est l’impact qu’aura le Brexit. Pour Southgate, le retrait du Royaume-Uni de l’Union Européenne pourrait aider les joueurs anglais d’une part. Cependant, il peut causer un tort au niveau des entraîneurs.


En mai dernier, le technicien craignait que seulement 15% des joueurs de la Premier League soient éligibles pour l’Angleterre dans une décennie malgré les solutions conjointes de la Fédération et de la Ligue. Toutefois, une nouvelle préoccupation commence à apparaître. Les jeunes joueurs n’hésitent plus à quitter les îles britanniques quand l’opportunité se présente ailleurs. Pour le moment, ce n’est qu’un petit caillou dans la chaussure, mais, qui sait, peut-être, dans quelques années, les plus grands espoirs anglais ne joueront plus en Premier League et iront garnir les rangs des autres championnats européens.


Hugo MARTIN



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