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Arsenal 89 : La saison qui a changé à tout jamais le football anglais

Ces dernières années, le championnat anglais nous a offerts des finishs des plus mémorables. Du but dans les ultimes secondes de Sergio Agüero à la glissade malheureuse de Steven Gerrard, la décision s’est souvent jouée dans le money time. Mais le final qui reste gravé dans les mémoires outre-Manche reste incontestablement le match opposant Liverpool à Arsenal en 1989. Un match à la dramaturgie incroyable en clôture d’une saison au suspens irrespirable. Une vraie finale qui a changé à tout jamais le football anglais. Partie 2/2 


Replongeons-nous dans l’ambiance. Arsenal débarque à Anfield avec l'obligation de gagner par au moins deux buts d’écart s’il veut s’adjuger le titre. Ce match représente la “finale” de la saison et du foot européen en général. La tragédie d’Hillsborough a forcé les autorités footballistiques à reporter les rencontres du championnat anglais. Ainsi, nous sommes le 26 mai quand les deux équipes entrent sur la pelouse pour la bataille ultime. 


D’entrée de match, on s’attend à ce que les Gunners démarrent sur les chapeaux de roue. Et pourtant, lorsque les deux formations rejoignent les vestiaires, le score est toujours vierge. Un 0-0 sans occasions franches à se mettre sous la dent, mais un résultat nul qui sert les desseins des Reds. Arsenal, qui devait marquer 2 buts sans en encaisser pour devenir champion, n’a pas été capable d’en mettre un seul durant la moitié du temps imparti. Malgré cela, les Scousers ne transpirent pas la sérénité. Et le retour des vestiaires va leur être fatal. 


A la 52ème minute de jeu, le club du nord de Londres obtient un coup-franc indirect (cela a son importance) à 30 mètres, sur une faute qui n’est pas franchement évidente. Nigel Winterburn se charge de le frapper. Il dépose le ballon au point de pénalty sur la tête d’Alan Smith qui effleure la gonfle et trompe Grobbelaar. Les Gunners célèbrent, les Reds fulminent. Une forêt rouge entoure alors l’arbitre, David Hutchinson, et jure que Smith n’a pas touché le ballon, ce qui dans ce cas, invalide le but. Très zen quant à la situation, Hutchinson va consulter son arbitre de touche. Le bras autour de l’épaule, Hutchinson va procéder à un véritable interrogatoire. 


  • Hutchinson : Est-ce que Smith a touché le ballon ? 

  • Arbitre de touche : Oui. 

  • Hutchinson : Est-ce qu’il y a une possibilité de hors-jeu sur l’action ? 

  • Arbitre de touche : Non. 

  • Hutchinson : As-tu vu une faute ?

  • Arbitre de touche : Non. 

  • Hutchinson : Alors je valide le but. 


Aussi simple que ça. Ronnie Whelan, capitaine de Liverpool, posté devant les deux hommes, est le premier au courant. Arsenal mène 1-0. La pression monte dans les rangs des Reds et ils ne vont cesser de reculer sur le terrain. Il leur reste alors 39 minutes à tenir, plus le temps additionnel. Ils parviendront à tenir 39 minutes. Mais pas le temps additionnel. 


“Mickey”, le zen master


Toute histoire nécessite un héros. Et c’est Michael Thomas qui endossera la cape ce soir de 26 mai 1989. A 21 ans, il est un jeune espoir du football anglais. Huit mois auparavant, il a d’ailleurs effectué ses premiers pas sous la tunique des Three Lions. Défenseur de formation, il évolue au début de sa jeune carrière chez les Gunners au poste de latéral droit. Naturellement porté vers l’offensive, il rappelle ces illustres latéraux brésiliens. "La première fois que je l'ai vu jouer, je l'ai appelé 'le Brésilien', a écrit dans le Guardian le journaliste anglais Jason Cowley.


Une ressemblance qui n’échappera pas aux yeux du coach des Canonniers. A son arrivée sur le banc, George Graham fait le choix d’installer Thomas en milieu offensif. Un poste qui épouse parfaitement les qualités de l’intéressé. Faisant parler son aisance technique, le prodige d’Arsenal s’épanouit. Il est pourtant la tête de turc de son coach. Ce dernier ne supporte pas son côté nonchalant. Il regrette son manque de détermination pas toujours à la hauteur de son talent. Dans le vestiaire, on lui colle vite un sobriquet qui illustre son tempérament. On le surnomme “The laid-back”, traduisez “Le décontracté”.


Retour à Anfield. A 20 minutes du terme, Thomas a une première opportunité de se muer en sauveur. Il se retrouve seul, dans l’axe, face à Grobbelaar. Mais sa frappe n’inquiète pas le portier zimbabwéen. Trop molle, trop … décontractée. L’occasion de réaliser l’exploit vient peut-être de s’envoler avec le désinvolture de “Mickey”. Pas du genre à douter le garçon, il lâchera dans le plus grand des calmes à un de ses coéquipiers “Ne t'inquiète pas, j'aurai une autre occasion et celle-là, je ne la raterai pas”. Il ne croyait pas si bien dire. 


Pourtant, l’horloge tourne et les chances d’Arsenal se font de plus en plus rares. Le temps réglementaire touche à sa fin et Liverpool s’accroche à sa 18ème couronne. David Pleat est  manager de Leicester à l’époque et dépêché à la dernière minute en tant que consultant. Il se remémore de ce moment-là : “Au début du temps additionnel, je me souviens avoir souligné que Liverpool allait être champion alors qu’ironiquement, ils n'auraient pris qu'un point en deux matches contre Arsenal." Karma vous avez dit ? 


A l'époque, pas d’affichage chrono dans Anfield, pas plus que d’annonce du temps additionnel par le 4ème arbitre. Sur le terrain, les joueurs ignorent le temps restant avant la fin du match. Tous sauf un. Steve McMahon, milieu des Reds, est venu s’informer auprès de Mr. Hutchinson. Une minute. Les images le montrent lever l’index pour l’indiquer à ses partenaires. Un signe qui restera tristement célèbre à Liverpool. Une saison entière est sur le point de basculer en l’espace de 60 secondes.


C’est l’ultime chance pour Arsenal. John Lukic, portier des Gunners, relance en express, qui plus est, à la main. Ce qui lui vaut les foudres de Theo Foley, l’adjoint de Graham, qui aurait largement préféré voir son gardien de but dégager loin devant. Qu’à cela ne tienne. Lee Dixon, tout surpris de se voir adresser ce ballon, s’empresse de balancer la patate chaude loin devant. Alan Smith le contrôle aux 30 mètres puis pivote sur lui-même. Tic-tac.


Destins croisés


Instinctivement, Smith a senti Michael Thomas partir plein axe. Lancé en profondeur, le jeune anglais élimine son défenseur. Avec de la réussite certes, il bénéficie d’un contre favorable sur son crochet. Le revoilà de nouveau face à Grobbelaar. Cette fois, l’erreur ne lui sera pas pardonnée. Toute la pression d’une équipe, d’un club, d’une ville pèse sur ses épaules. Le temps semble se figer à Anfield. L’instant paraît durer une éternité. De plus, Michael Thomas donne l’impression de tergiverser. On croirait qu’il prend son temps. Décontracté, toujours.


Dans son dos, Ray Houghton revient à toute allure. Mais au moment où il s’apprête à découper Thomas, le Gunner ajuste sa frappe. Extérieur du droit. Choix payant. Bruce Grobbelaar ne peut rien faire. Le héro célèbre son but synonyme de titre d’une roulade avant, quelque peu dangereuse quand il y réfléchit après coup : "C'était n'importe quoi, j'ai failli me briser le cou."


Sur l’écran de télévision, il est affiché 91 minutes et 22 secondes. L’heure du crime. Quelques secondes après l’engagement, M. Hutchinson siffle la fin du match et de la saison. Le ciel vient de tomber sur la tête des Reds. Au terme du dénouement le plus incroyable de l’histoire du championnat d’Angleterre, Arsenal met fin à 18 années de disette et condamne Liverpool à une longue traversée du désert.


26 mai 1989 : les prémices de la Premier League 


Qu’ils soient vainqueurs ou vaincus, tous les acteurs de cette soirée sont associés au 26 mai 1989. Depuis, il y a eu d’autre dénouements mémorables comme celui qui a vu sacrer Manchester City grâce aux buts de Dzeko et Agüero dans le temps additionnel. Mais aucun n’arrive à la cheville de celui de la saison 1988-1989. En effet, ce finish tient une place à part dans l’histoire. C’était l’année du centenaire de la fédération anglaise de football. Il y avait eu Hillsborough six semaines plus tôt. Surtout parce que jamais, depuis, une équipe en tête du championnat avant l’ultime match n’a laissé filer le titre.


On mesure la grandeur de ce match lorsqu’on prend conscience de son impact sur le foot outre-Manche. Trois décennies plus tard, il reste considéré comme LE match qui a fait renaître le football anglais de ses cendres. La légende raconte même que c’est cette rencontre qui a convaincu Robert Murdoch d’investir massivement dans les droits du championnat anglais. Trois ans plus tard, naîtra la Premier League, nouvelle puissance du football européen.


Hugo MARTIN




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